agent de nettoyage

L’entreprise rennaise M180 valorise les métiers de l’ombre

La jeune entreprise à mission forme les salariés des métiers dits invisibles, et aide les sociétés qui les emploient à répondre aux enjeux de RSE.

Elena Mañeru Izcue aurait pu poursuivre sa carrière sans se poser de questions. À l’aube de la quarantaine, celle qui exerça pendant 17 ans, avec bonheur, la profession de DRH, concède que « ça aurait été plus simple et plus facile. Mais beaucoup moins satisfaisant. J’ai eu besoin, à ce moment de ma vie, de lui donner du sens, de partager ce que j’avais appris et mis en pratique en innovation sociale. »
Le déclic, dit la fondatrice de M180, est venu d’un constat : « dans 25 ans, il y aura 50 % de seniors en plus en France. Si on continue à ne pas voir, à ne pas considérer ces personnes qui s’occupent de nos aînés, comment fera-t-on ? Qui prendra soin de nous ? Des gens qui n’auront pas de compétences, qui feront ces métiers par dépit ? Ou des robots ? Je n’ai pas envie de ça, ni pour moi, ni pour les autres. » Tout le monde, ou presque, est d’accord.
Pourtant, les entreprises du soin comme de la propreté ont du mal à recruter et à fidéliser leurs employés. Personne n’est satisfait : ni ces sociétés, ni leurs clients qui voient défiler chez eux des personnes différentes, ni les salariés découragés par leurs conditions de travail, leurs bas salaires et le manque de considération.

Elena MANERU M180
Elena Mañeru Izcue fondatrice de M180 (©M180)

Former pour valoriser

Les solutions, selon la dirigeante ? « Rendre attractifs les métiers à forte utilité sociale (métiers de la propreté, du soin, de l’agroalimentaire…) en faisant évoluer les pratiques afin d’améliorer les conditions de travail. Il faut valoriser « ceux qui font » en les formant, en faisant progresser leurs compétences, mais aussi en les rendant acteurs de leur santé. »
Le parcours de formation « Ménage-toi » a ainsi vu le jour, « parce que tout changement majeur passe par le corps » dit Elena. « En 8 heures étalées sur 3 semaines, les stagiaires apprennent les gestes postures qui diminueront les risques de maladies professionnelles et d’accidents du travail et qui leur permettront de durer dans le métier qu’ils exercent. Ils se reconnectent à leur corps, parce qu’il est difficile de prendre soin des autres si on ne prend pas soin de soi, d’abord. »
Une autre formation, intitulée « Nettoyage responsable », permet d’apprendre à s’autoévaluer, à optimiser son temps de travail. Ces 2 parcours ont un point commun : « 80 % des  contenus sont apportés par nos stagiaires » explique Elena. « Les formations sur-mesure, ludiques et pragmatiques, ont été conçues en tenant compte des remontées du terrain, des travailleurs et de leurs employeurs bref, en mobilisant l’intelligence collective. »

Des métiers qui ont du sens

Et si la société, nous, vous, changions le regard porté sur ces métiers dits invisibles et déconsidérés ? Posons-nous la question : ces professions ne nécessitent-elles vraiment aucune qualification, aucun savoir-être ou savoir-faire ? « Bien sûr que non » répond la dirigeante de M180. « Pour s’occuper d’une personne âgée ou handicapée par exemple, il faut savoir faire preuve d’empathie, d’écoute, avoir le sens des responsabilités, être capable de gestes techniques, savoir travailler en autonomie… » Des qualités et des compétences que l’on met rarement en avant. « Les personnes qui exercent ces métiers, et que j’ai rencontrées, ne sont elles-mêmes pas toujours conscientes de la valeur de ces compétences. Beaucoup sont toutefois fières d’un métier qu’elles font par passion, un travail utile et indispensable à l’équilibre de la société, au maintien du lien social. Plus nous serons nombreux à partager ce constat, plus nous accepterons de payer « ceux qui font » à leur juste prix. »

Une réponse aux enjeux de RSE

Diminution des arrêts maladie, cohésion des équipes, fidélisation des salariés, satisfaction des clients, réduction de l’impact environnemental de l’entreprise (2)… M180 aide à répondre aux enjeux sociaux, environnementaux et sociétaux des métiers à forte utilité sociale. Stagiaires et dirigeants témoignent sur le compte LinkedIn de M180 de leur satisfaction à être accompagnés par l’entreprise rennaise, du mieux-être qu’ils en retirent. 

Une femme engagée

Elena Mañeru s’investit pour « changer les mentalités, questionner de façon bienveillante, faire bouger les lignes »«J’ai pris des risques en me lançant dans un domaine qui n’est pas le mien » explique-t-elle. «Je ne sais pas où va mener cette aventure, mais je ne regrette rien. » Même si les périodes de doute existent. « En mai 2020, c’est vrai, je n’avais vraiment pas le moral. Créer une activité en pleine crise sanitaire, ce n’est pas l’idéal. » L’article du magazine Elle la plaçant parmi les 15 femmes qui font bouger la Bretagne l’a reboostée : « ça m’a donné de l’énergie pour continuer » sourit Elena, qui mène de front sa vie de maman de 2 enfants, de dirigeante et de présidente du réseau Femmes de Bretagne.

(1) M180 délivre un label Ménage écologique et éthique.

(Propos recueillis par Béatrice Ercksen)

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